La série télévisée « Elli lik lik »**, jusqu’au 9ème épisode, a connu un grand succès étant toute l’armada de comédiens de grande envergure, leur interprétation, la réalisation, le scénario, le décor et les thèmes évoqués à savoir la vie du peuple et la corruption…
Tout est mis à nu dans ce drame comique grâce à l’ironie noire dont les techniques sont loin d’être celles des farces comiques ou des sitcoms télévisés (comique de geste- grimaces- allées et venues etc…)
Et si j’avais à sélectionner une scène dans cette série qui résume l’état des choses et des faits de notre réalité présentées dans cette série, je choisirais « La scène du changement de veste» (épisode7) jouée à deux reprises par Jaafar Guesmi/ Hamma : un personnage qui vit difficilement dans un quartier populaire, que son ami juge « lâche et sans ambition » (épisode 1) pour ne pas avoir fait preuve de débrouillardise et qui est entraîné par le vice et l’escroquerie pour se réaliser.
Magnifique est cette scène qui se passe dans le château, le jour du « Fark » de sa femme que Hamma a épousée et tuée par intérêt et où sont reçues deux catégories de personnes. Celles venues pour présenter leurs condoléances et celles venues avec des cadeaux pour fêter la mort de la défunte dont le personnage attend impatiemment l’héritage. Entre les deux, le veuf passe du salon où il feint la tristesse et les larmes au jardin où il danse joyeusement avec ses amis. Et outre le côté technique superbe, on y voit l’opportunisme, l’hypocrisie, le cynisme, le mensonge, la tromperie, le jeu des masques et la fausseté superbement incarnés dans le personnage. Quand Hamma change de veste en passant de la veste noire du deuil à la veste blanche pour la fête. Cette scène me semble être la synthèse de toute la série construite autour de nombreuses dichotomies en opposition : pauvre/riche- faible/ fort- emprisonné/ libre- rire/ pleurer- noir/ blanc- deuil- fête- être/ paraitre- matérialisme- réalisme/ superstition- vie/ mort- naïf/ débrouillard - amour???/ feinte de l’amour- etc…. Tout cela reflète une société troublée, déchirée, bouleversée où l’argent devient équivalent de la réussite et est le seul objet de quête pour être « heureux ». Qu’importe le moyen!!! Quant à l’amour, il y est, jusque là (9ème épisode), ridiculisé dès l’épisode 1 comme c’est le cas du jeune journaliste (pauvre- naif- stupide- ridicule- timide mais sincère) amoureux de Narjess sa collègue et qui peine à faire connaitre ses sentiments et à se rapprocher d’elle. D’ ailleurs, jusque là, on a assisté à deux mariages un par intérêt, un autre traditionnel et par nécessité et une demande en mariage déjouée par Aymen qui a voulu sauver sa dulcinée des mains d’un homme marié. Et s' il a réussi à démasquer son concurrent malhonnête, c’est qu’il a évolué n’ayant pour adjuvant que son amour et son colocataire qui le conseille. A leur propos, Narjes et Aymen constituent le seul couple (collègues pour le moment) qui ne sont pas entachés par le dédoublement et sont conséquents avec eux-mêmes.
Nous attendrons la suite pour voir dans quel sens ils vont évoluer. Est- ce vers eux-mêmes qu’ils iront où seront- ils contaminé par le syndrome du « changement de veste » comme Hamma ? Est- ce que le scénario entend corriger les défauts sociaux par le rire et le comique ou se contente t-il de nous faire rire de nous gueule ouverte devant notre miroir sombre? Attendons, donc, les prochains nœuds, les complications, l’évolution de la situation de chaque personnage et… le dénouement. Attendons, enfin, la réaction du public. A qui va t- il s’identifier au héros/ anti-héros( Hamma) qui comme beaucoup d’acteurs a admirablement joué son rôle?
A voir le titre qui rappelle un proverbe tunisien ""Ce qui t'appartient est à toi et ce qui ne l'est pas ne t'appartiendra point.", moi, je m'attends à un bouleversement des situations de manière à ce que les personnages et le héros/ anti-héros ne pourra être un modèle à suivre ca qui pourrait dissuader les détracteurs de ce feuilleton travaillé avec professionnalisme.
Samia Lamine (10/ 06/ 2018)
Note: Ce qui t'appartient est à toi.... اللي ليك ليك...
Le début d'un proverbe tunisien: "Ce qui t'appartient est à toi et ce qui ne l'est pas ne t'appartiendra point." اللي ليك ليك و اللي خاطيك خاطيك"