AUX tyrans DU MONDE.
Eh ! Toi l’injuste tyran/
Ami de l’obscurité, ennemi de la vie !
Tu as dédaigné les gémissements d’un peuple faible/
Tandis que tes mains sont teintées de son sang !
Voilà que tu altères la magie de l’univers/
Et tu sèmes les épines de la peine sur ses collines.
***
Patience! Que tu ne sois pas trompé par le printemps,/
La clarté de l’espace et l’éclat du matin ;
Dans le vaste horizon, il y a l’horreur des ténèbres,/
Le grondement du tonnerre et les bourrasques de vent.
Prends garde ! Sous les cendres, couve le feu ardent!/
Et celui qui sème les épines, récolte les blessures.
***
Contemple ! Là-bas, partout où tu as fauché/
Les têtes d’hommes et les fleurs de l’espoir
Et tu as arrosé de sang le coeur de la terre /
Et tu l’as abreuvé de larmes tant qu’il s’en est soûlé.
Le torrent, le torrent de sang t’emportera/
Et te dévorera l’orage embrasé !
Poème de Abou Kacem CHEBBI. (1934) traduit de l'arabe par Samia Lamine
Dans ce poème prophétique écrit en 1934, le jeune poète s’adresse, sur un ton oratoire, au colonisateur, lui rappelle ses crimes contre le peuple tunisien opprimé par son despotisme, le menace et prédit la révolte contre sa tyrannie. Le titre qui au pluriel pourrait laissé signifier que le poète évoque tous les colonisateurs en Afrique et Asie.
MAIS, le mot colonisateur n’est pas prononcé dans le poème ce qui lui donne un caractère général d’où son actualité et sa célébrité.
En effet, en 2002, durant la seconde Intifada, la chanteuse tunisienne Latifa Arfaoui chante le poème en le dédiant à Ariel Sharon et George W. Bush.
Ci-joint la version originale en arabe:
الى طغاة العالم.
ألا أيها الظَّالمُ المستبدُ | حَبيبُ الظَّلامِ، عَدوُّ الحياهْ |
سَخَرْتَ بأنّاتِ شَعْبٍ ضَعيفٍ | وكفُّكَ مخضوبة ُ من دِماهُ |
وَسِرْتَ تُشَوِّه سِحْرَ الوجودِ | وتبذرُ شوكَ الأسى في رُباهُ |
رُوَيدَكَ! لا يخدعنْك الربيعُ | وصحوُ الفَضاءِ، وضوءُ الصباحْ |
ففي الأفُق الرحب هولُ الظلام | وقصفُ الرُّعودِ، وعَصْفُ الرِّياحْ |
حذارِ! فتحت الرّمادِ اللهيبُ | ومَن يَبْذُرِ الشَّوكَ يَجْنِ الجراحْ |
تأملْ! هنالِكَ.. أنّى حَصَدْتَ | رؤوسَ الورى ، وزهورَ الأمَلْ |
ورَوَيَّت بالدَّم قَلْبَ التُّرابِ | وأشْربتَه الدَّمعَ، حتَّى ثَمِلْ |
سيجرفُكَ السيلُ، سيلُ الدماء | ويأكلُك العاصفُ المشتعِلْ |