Le code du statut personnel a été promulgué en Tunisie en 1957et il a subi des modifications dictées par les changements dans la société tunisienne et par les lois internationales qui s’imposent dans les pays qui s’y soumettent par conviction ou contraints par la nécessité de s’inscrire dans « le nouveau monde ».
Le CSP réglemente la vie familiale (le mariage et le divorce (article 22 à 33). il constitue une révolution dans une société, alors, conservatrice où l’illettrisme règne encore. En effet, malgré les réformes inaugurées au 19 ème siècle, de Tahar Haddad à Bourguiba, les conservateurs, combien nombreux, ont mal accepté les nouvelles lois: abolition de la polygamie, création d’une procédure judiciaire concernant le divorce, fixation de l'âge minimum pour les deux sexes, la scolarisation gratuite et obligatoire des filles. Les modifications de 1993, sont allées plus loin dans la protection de la femme et de l’enfant par les lois.
Donc, le contexte juridique est, en principe, favorable à la promotion de la femme et à l’épanouissement de la famille. Or, on constate que dans la société, la femme tunisienne évolue, parce que l’opprimé a tout intérêt à changer sa situation pour se libérer mais, l’homme, feint l’ouverture imposée par les changements législatifs, l'éducation et les difficultés matérielles qui imposent le travail de la femme , la scolarisation des femmes. Ainsi, l'homme se trouve face à des collègues ou copines cultivées et émancipées. Mais cet homme reste conservateur au fond de lui. Les notions d’émancipation de la femme et le principe de l’égalité des sexes, n’ont pas été assez digérés par lui du fait, je pense, de l’héritage culturel qui a assez eu le temps pour s’ancrer dans l’inconscient de la gente masculine. Et les cinquante ans de vie du CSP ne peuvent changer une mentalité imprégnée par un acquis et des privilèges datant de milliers d’années. Et s’il n’est pas facile d’effacer l’impact des années sur les esprits, il n’est pas du tout aisé d’extraire l’homme tunisien à l’environnement social et géographique oriental. En effet, « Si Sayed » vit encore parmi nous et son image est encore présente au machrek comme au maghreb . Pourquoi le tunisien accepterait-il la perte de ses privilèges alors que ses frères en jouissent encore dans les pays voisins ? Pourquoi se priverait-il d’être un Si Sayed parmi les millions existant réellement et qui sont couverts par les lois et les traditions. Combien de fois entendons-nous, des jeunes et des moins jeunes vanter la polygamie chez les voisins ? Ils le diraient en rigolant ou soi disant pour taquiner les filles du groupes ou leur fiancée mais en fait, ils expriment ce qui leur tient à cœur et leur manque tant. Aussi, on voit certains hommes exprimer leur agressivité face à une dame leur demandant poliment un siège dans l’autobus pour se reposer: « Si tu n’as pas la force de rester debout quelques minutes comme un homme, reste chez toi et occupe toi de tes enfants !» Et chez lui, il ne cesse de répéter à sa femme qui demande à être aidée à cuisiner : « L’homme, c’est l’homme et la femme, c’est la femme ! Puisque tu veux travailler, alors paye !" Et au fond de lui, il vocifère accusant les femmes d'être devenues trop libérales et trop ouvertes au modèle occidental de la famille:" Ah! ces femmes! Elles se veulent égales, libres. ah! cette la loi qui vous a renforcées contre nous! grrr!"
Ainsi, on voit que l’homme tunisien n’est pas prêt à admettre sa nouvelle condition de partenaire et collaborateur dans un couple comme l'exige l'évolution et la loi (CSP). Par conséquent, pour séduire sa fiancée, il adopte un comportement et après le mariage épuisé par sa feinte, il montre son vrai visage. Les moins déséquilibrés demeure à la limite des disputes quotidiennes pour s'imposer et ceux qui débarquent au foyer avec leur pathologie s'expriment par la violence pour évacuer leur rancoeur( la première cause des divorces en tunisie ) ou l'adultère ( deux sur trois femmes interrogées au palais de justice affirment qu'elles divorcent pour adultère). L'adultère serait-elle une revanche contre l'abolition de la polygomie. Serait-ce une manière d' affirmer leur virilité bafouée,selon eux, par cette moitié que la loi soutien à leur détriment toujours selon eux.
En résumé, les hommes et les femmes n'évoluent pas de pair dans notre société en mutation et surtout,je pense que le problème vient du fait que le tunisien n'a pas assimilé l'évolution sociale.C'est ce qui expliquerait, au fond, la montée galopante du nombre de divorces dans notre société. En effet, sur six mariages, un finit par éclater. Outre les causes innombrables du divorce, je pense qu'au fond, l'éclatement des couples revient surtout au fait que les deux partenaires ne regardent dans la même direction dans le temps et dans l'espace. L'un regarde vers l'avant... Tandis que l''autre a l'oeil fixé sur le passé. L'un est entrainé vers l'Ouest... Mais l'autre est attiré vers l'Est. Au milieu de ce tourbillon, les enfants subissent des calvaires. Et vivre dans un climat où règne le rapport des force et les déchirements ne contribue qu'à perpétuer les secousses car l'enfant adoptera le modèle et poursuivra sa vie à son ombre. C'est dire qu'au lieu de transmettre les causes de l'épanouissemnent aux générations futures, les parents les figent les empêchant d'aller vers l'avant. Et le plus grand risque , c'est de voir la société tunisienne, qui a parié sur le progrés social depuis le 19ème siècle, tourner en rond dans un cercle vicieux non évolutif ou plonger dans un extrémisme étranger à la composition sociale du pays connu pour sa modération. Aller vers l'Ouest ou vers l'Est serait le grand risque qu'une réelle prise de conscience des adultes et de la société civile éviterait.
SAMIA LAMINE (Déc 2010)