Quand j’étais élève et même plus tard, quand le professeur nous parlait des poètes romantiques au XIXème siècle. Je ne comprenais pas comment toute une génération pouvait souffrir de ce qu’on appelle « LE MAL DU SIECLE ». Je ne comprenais pas comment on pouvait être si malheureux (sentiment de solitude- mélancolie- désir de mort….) après une grande révolution qui devait changer la France et tout le système social, politique et religieux.
Plus tard, étudiante, j'ai compris.
Mais, aujourd’hui, ayant vécue la révolution tunisienne appelée faussement « la révolution du jasmin », je vois, je vis et sens comment on peut être malheureux après une révolution tant attendue… tant espérée…
Maintenant, que toutes les forces réactionnaires de l’univers et du pays se sont abattues sur nos rêves (jeunes et adultes) pour nous confisquer tous nos espoirs et nos attentes de la révolution tunisienne : Dignité, justice et liberté, Maintenant, je vois, je vis et... je SENS comment un malaise peut s’emparer de tout un peuple qui, euphorique, a voulu créer l’histoire en irriguant la patrie du sang de ses enfants. Ce malaise qui se manifeste par des tendances suicidaires (immolation ou pendaison ou « profession de kamikaze »), la violence sous toutes ses formes, l’émigration et la harga, le passéisme ou nostalgie du passé, la tendance à l'anarchie, l'indifférence, la désespérance, la peur de l’avenir, le stress, le malaise, le retrait de la société, le sentiment du besoin et de la hogra pour les plus démunis et même dans la classe moyenne, … etc.
A l’origine, l’expression « Le mal du siècle », désignait l’état d'âme des jeunes adultes après la chute du Premier Empire en 1815. C'est une sorte de dépression nationale de personnes déchues dans leurs rêves et désorientés dans le milieu royaliste restauré.
Les écrivains de cette génération nommée romantiques constatent que leurs idéaux ne sont pas populaires auprès de la classe bourgeoise dominante. Ils se sentent nostalgiques, isolés et impuissants dans la société. lls deviennent angoissés et mélancoliques, éprouvent un sentiment de vide, d’ennui et un sentiment de désespoir devant un monde qui n'offre aucun but à leur enthousiasme.
C’est Chateaubriand qui fut le premier à avoir employé l’expression « Le mal du siècle » pour décrire le personnage de René dans « Le Génie du christianisme » et il ne s’attendait point à toute l’influence qu’elle avait eue sur toute la génération des romantiques au XIXè siècle.
«Le mal du siècle » était réservé initialement aux écrivains romantiques après 1815, a fini par désigner l'inquiétude propre à toute une génération quelle que soit son époque.
Inspirée, de cette expression, je nommerai « Le mal du jasmin noir » ou "le mal de la révolution tunisienne" (2010-2011) ce malaise ou plutôt cette forme de dépression collective qui s’empare du peuple tunisien que je connais bien et qui remplit de plus en plus les cabinets des psys depuis 2011, c'est-à-dire depuis la révolution et notamment, depuis la déception suite aux résultats des élections de 2011.
La désillusion atteint son point culminant en 2015 et 2016 après tant d’assassinats politiques qui ont affaibli la gauche, tant de sang auquel le peuple n’est pas habitué, avec le développement du terrorisme wahabite manipulé par beaucoup de services secrets internationaux et même des partis politiques de l’intérieur du pays et de la contrebande mafieuse. Et avec l’échec du « vote utile » qui a achevé l’espoir de la majorité du peuple qui a cru aux promesses de la campagne de leurs élus.
La désillusion, après l’euphorie des débuts de la révolution qui a créé les espoirs, tue. Et le remède est entre la main des politiciens (qui gouvernent ou dans l’opposition) et non chez les psys. Mais, un charlatan peut-il guérir des malades ?
Je pense que les malades doivent se prendre en charge et prendre conscience des conditions qui les ont enfoncées dans les grisailles de l’âme… Renaitre à l’histoire est la condition sine qua none de la guérison.
(Et attention... L'Histoire a une roue qui tourne... tourne... et tournera...Attention! Une révolution peut en cacher une autre...)
Samia Lamine (17- 03/ 2016)